Affalé dans un coin du quartier Bastille, un bon endroit pour récolter de quoi m’envoyer ma dose de pinard, mon antigel personnel, je somnolais plus ou moins lorsqu’un ange casqué de blond se pencha vers moi et me toucha !
- Sébastien, c’est moi Christine, du lycée Bellefleur, tu te souviens ?
Là c’est un rêve, non seulement elle me reconnaît mais en plus elle s’arrête, me parle, m’appelle par mon prénom et me touche ! Je ne bouge pas un cil sinon je me réveille ; je n’en ai surtout pas envie…
- Tu me reconnais ? Viens, lève toi, je te paie un café !
Elle me saisit fermement par le bras, je me laisse faire, docilement.
En rentrant dans le troquet du coin, le patron me jette un regard suspicieux mais un simple froncement de sourcil de Christine lui fait tourner la tête…ah, le pouvoir …
Pendant que je me laisse tomber sur la banquette, elle semble flotter sur sa chaise…
- Tu fais quoi là !
- La manche, marmonné-je.
- Je te parle de t’asseoir correctement, comme un humain qui se respecte. Un homme digne de mon amour !
- Quoi ! Fis-je en me redressant brutalement.
- Voilà, c’est mieux.
Elle se comporte comme si elle n’avait rien dit d’important, je n’ai pas rêvé pourtant…celle qui fût, sans le savoir, la femme de ma vie se présente devant moi, clodo délabré, et me parle d’amour…
- La femme de ta vie t’a plaqué et tu bois par désespoir ? Ca arrive ! Tu m’as bien dédaigné dans notre jeunesse !
- Quoi !
- Tu ne sais dire que quoi ? Tu ne vas pas me faire croire que tu ne savais pas que je t’aimais comme une folle et n’attendais qu’un geste de toi.
- Christine, je t’aim…
La médecin du Samu se relève
- Trop tard, il est mort.
Elle saisit alors son téléphone portable et fait son compte rendu au centre :
- Mort de froid en comas éthylique. Ce qui est peu commun, poursuit-elle, c’est qu’il est mort en souriant.
Elle se tourne vers l’infirmier :
- Vous avez entendu ce qu’il a dit ?
- Non, répondit-il, un sourire aux lèvres…